Plaidoyer pour le didit

 

Les messageries interactives sont le produit — un sous-produit diront certains — des techniques modernes de télécommunication. Leur développement et leur appropriation par le grand public accompagne le raz de marée mondial de l’internet, mais un phénomène identique a déjà été observé en France grâce à la large diffusion du Minitel. Le " réseau " (numéros de téléphone permettant un multiplex entre de nombreux utilisateurs anonymes) est une autre facette de ce type d’échanges.

Le Minitel avait donné à ces messageries une connotation pornographique, le réseau les avait auréolées d’un aspect occulte, l’internet les a généralisées en les étendant jusqu’à de très officiels sites gouvernementaux, et les a rebaptisées à l’américaine : " chat ".

Cette nouvelle désignation séduit ceux qui sont prompts à s’emparer des modes langagières, surtout quand les mots sonnent " anglais ", mais irrite ceux qui au contraire répugnent à utiliser sans raison des mots importés. Il faut toutefois reconnaître que, jusqu’ici, aucun consensus ne s’est dégagé sur un éventuel équivalent et que " causette ", proposé comme substitut, a été complètement boudé. Alors pourquoi ne pas proposer un néologisme ?

Puisqu’il s’agit de traduire la notion d’un dialogue en direct et les mots semblant manquer, l’idée d’un acronyme n’est pas à écarter. C’est pourquoi je suggère le terme " didit " pour DIalogue en DIrecT.

Ce mot, à bien y regarder, présente de nombreux avantages :

en français, on aime à l’oreille les mots de deux syllabes qui permettent d’accentuer la première et de laisser retomber la voix sur la deuxième ;

il peut s’utiliser de plusieurs manières, un didit (pour l’espace réservé à cette forme d’échange), le didit (pour l’exercice lui même), en didit (pour la manière de pratiquer), etc. ;

il accepte des dérivés, diditer et diditage ;

il y avait déjà le dit et le non dit, il y aurait le didit ;

il autorise d’autres associations d’idée qui peuvent également le justifier après coup (c’est quelquefois ce qui fait le succès d’un mot) comme la référence à " digital ", ce qui comblera les zélateurs du numérique à l’anglaise même s’ils semblent ignorer qu’en fait ils gardent inconsciemment la nostalgie du temps où ils avaient " bobo à leur didi ".

Maintenant, qui aura le courage de lancer une telle proposition ? Il est à craindre que, venant d’une commission de terminologie, elle soit brocardée sans ménagement, alors que promue par un acteur commercial de notoriété elle serait sans doute accueillie avec succès. Néanmoins, pourquoi de pas tenter le diable (ou l’ange, selon le caractère que l’on prête à l’internet) et militer pour le didit, le " chat " francophone.